Mon histoire…
Une rencontre inattendue
Janvier 2014. Comme toujours en Camargue, le ciel s’éclaircit bien avant que le soleil ne passe la ligne d’horizon. Je rejoins Aigues-Mortes dans cette lumière bleu d’hiver sans trop savoir à quoi m’attendre. L’éleveur m’a donné les instructions pour rejoindre par moi-même un petit groupe de trois poulains et leurs mères, au milieu des marais. Il est des matins où l’on se lève sans savoir que notre vie va prendre un virage inattendu… Ce matin là en fait partie. Je trouve aisément les chevaux mais, par crainte ou méconnaissance de l’animal, je reste une bonne heure à distance, les photographiant dans un contre-jour magnifique alors que le soleil se montre enfin. Les premières images sont à mon goût et pris par la beauté du moment, j’en oublie le temps… et mes peurs. Je décide de m’approcher. Lentement. Je ne veux pas qu’ils s’éloignent en me voyant venir. Je cesse de prendre des photos. Je vis pleinement l’instant présent et me trouve bientôt à quelques mètres du groupe. L’un des poulains, un peu plus curieux que les autres, s’approche à son tour de moi. Je reste assis, immobile. Il en vient à me sentir le bras, me lécher le visage, avant de se coucher à mes pieds.
Pour moi, une photographie est un très puissant objet de mémoire, de l’émotion à l’état brut. Et les images que je réalise à cet instant précis n’ont pas besoin d’être couchées sur du papier pour rester gravées à vie dans mes souvenirs.
Recréer du lien entre les chevaux et les hommes
Après avoir produit et réalisé plusieurs films documentaires, j’adopte naturellement une démarche similaire dans mon travail photographique auprès des chevaux. Saisir le quotidien de différentes races de chevaux dans leur milieu naturel d’origine devient un objectif, un chemin à suivre, une finalité en soit.
Après la Camargue viendront le Barraquand dans le Vercors, le Highland en Ecosse, le Barbe au Maroc, les chevaux de Charreria au Mexique, le cheval Auvergne dans le Sancy ou encore le New Forest en Angleterre. Au fil des rencontres, j’observe et photographie toute la diversité des cultures équestres. Du travail AVEC le cheval au travail DU cheval, de la piste de spectacle aux sports équestres. J’apprends enfin à connaître l’animal, à mettre des mots sur son comportement, à décoder, à ma manière, son langage.
Aujourd’hui, j’aime l’idée que mon travail puisse être un trait d’union entre le monde des chevaux et le monde des hommes. Recréer du lien entre ces deux univers est une mission qui me sied bien. L’image du cheval a depuis des millénaires fait partie de nos cultures, de nos imaginaires. Je ne fais que poursuivre cette tradition qui tend à disparaître sous les coups hier de la mécanisation, aujourd’hui de la dématérialisation.
Une vie autour des chevaux
Je me suis longtemps laissé porter au gré des vents, sans ancrage. Nantes, Paris, l'Ecosse, la Camargue, le Maroc... J’ai rêvé de m’échouer sur une île pour en faire mon chez-moi. Mais c'est finalement sur les plateaux calcaires des Causses du Quercy, dans le Lot, que j’ai pris racine. Au Mas de Peyrelongue.
De simple observateur/photographe, je suis passé de l’autre côté du miroir. Avec ma compagne Gwladys Lecarpentier, qui m’a tant appris sur le cheval, ainsi que nos enfants, nous avons mis l’animal au centre de notre vie. Avec plus d’une trentaine de chevaux évoluant en semi-liberté sur notre propriété de 50 hectares de bois et prairies, nous accueillons randonneurs et amoureux des chevaux tout au long de l’année. Nous transmettons notre savoir-faire et nos valeurs, donnant une autre dimension à cette idée d’un trait d’union entre le monde des chevaux et le monde des hommes.
De nouveaux projets à venir
Après quelques années essentiellement passées à créer et maintenir nos activités au Mas de Peyrelongue, de nouveaux projets photographiques, littéraires et cinématographiques sont en train de germer… C’est ici, en rejoignant notamment la newsletter, que vous pourrez suivre la suite de ce voyage d’une vie auprès des chevaux. Car finalement, à quoi servirait le travail du photographe s’il n’y avait personne pour regarder, s’émouvoir, s’enrichir intérieurement de ses images…. ?
Jeremy Durand